Il était une croix

Il était une croix

Découvrez le texte d’Anne-Sophie, l’heureuse gagnante du concours du 20ᵉ anniversaire de Spiritours dans la catégorie 2! Elle y parle de comment un voyage avec Spiritours pourrait transformer sa vie.

Tu devras être fière, comme ils disent. Pendant que mes mains porteront mon sac à dos sur ce qui deviendra endolori par le temps, la pluie et la chaleur, je regarde les gens que j’aime être fiers de mon départ. Je me regarde de haut et j’aime croire que si c’est trop difficile, Dieu sera là. Je rassure mes parents, comme nous rassurerons tous quelqu’un sur le quai de l’aéroport. Nous partons en groupe même si, au fond, nous savons que nous porterons notre silence et notre endurance si ardemment entrainé. Je sais malgré tout que dans les moments où Dieu se fera plus silencieux, je comprendrai qu’il y aura un peu de ¨nous¨ dans ce monde de ¨je¨. Nous saurons nous offrir à chacun une sagesse bien personnelle.

Ça y est, je me retourne une dernière fois. Mes souliers de marche fraichement cassés, sur le sol vitreux, pivotent et je comprends que maintenant, il y aura le ¨avant¨ et le ¨après¨. De la première course dans mon quartier, à l’achat de mon bâton de marche que je troquerai pour une branche symbolique, je suis bel et bien trop engagé pour me retourner et me dire : un jour, Compostelle.

Ce jour, je le touche en serrant fort ma peur et mon billet d’avion dans mes mains. J’ai lu tous les livres, de Paulo Coelho jusqu’au petit dictionnaire de Compostelle. J’ai endurci mon corps pour me permettre, sur le chemin, d’endurcir ma tête et mon âme. Je ne connais pas l’odeur de l’Espagne, mais je sais une chose, c’est que cette croix que je porte au cou servira. Ce petit bout de ficelle qui traine un morceau de métal sans valeur monétaire, ce symbole rafistolé sur lequel on peut lire : Pax et Assisi. Cette chose que je traine depuis plus longtemps que moi, je la tiens de mon oncle qui avait fait le choix d’entrer chez les frères. Ce fut un grand voyageur en pèlerin et en parole. C’est d’ailleurs en faisant ce fameux chemin, qu’il dû revenir d’urgence au bercail. C’est deux semaines plus tard, le 23 décembre, qu’il rejoignait le ciel. Ma tête d’enfant comprenait qu’une étoile de plus allait briller la nuit de Noël. Déjà, je m’étais fait une promesse. Moi et mes 4 pied 5, devant ce qu’il restait de lui, entouré de rouge et de vert, je me promettais qu’un jour, je terminerais le chemin pour lui.

Par le temps et l’habitude, mon souvenir de sa présence se transforma. Même s’il n’était plus de chair, il me parlait souvent ; il se transformait en s’imprégnant dans les objets sacrés qu’il nous avait laissés. Je me suis mise à porter un peu de lui tous les jours. De mes premiers pèlerinages jusqu’à la petite école, en passant par le mariage de mon frère, puis jusqu’à la naissance de sa fille. J’ai marché avec lui pour un jour me permettre de marcher pour lui.

Je descends de l’avion avec mon sac à dos et mon souvenir de cet homme qui, sans l’adoption, n’aurait jamais été ici avec moi. Je m’imprègne du lieu et de l’odeur. Je change tous les jours et ma peur se transforme en force. Tous les jours, je goûte à l’insatiable avidité de ma foi. Cette chose qui, pendant si longtemps, m’a rendu singulière et exotique, car on me répétait : ¨ tu es jeune pour être là-dedans¨. Cette chose qui m’a permis de tendre l’autre joue à tout le monde sauf à moi. C’est aujourd’hui que je me soumets à la tentation d’être fière de moi.

J’arrive enfin au lieu que je m’étais imaginé, dessiné, conceptualisé; c’est une petite église banale qui s’affirme au centre d’un village. Les enfants y jouent et les adultes s’y recueillent. Ce n’est pas la fin du chemin. J’irai parler de mes périples à mon oncle plus tard. En attendant, je m’arrête ici puisqu’il est nécessaire de m’accoster là où, d’instinct, je sais qu’il s’est reposé. J’apprendrai à ce moment que la pause d’une vie se mérite au chemin parcouru. Je déposerai au pied d’un arbre croche et faible un petit restant de lui. Cette figure courbée pourra enfin se reposer, puisque je terminerai ensuite la route en son nom. J’y déposerai une petite ficelle ornée d’un bout de métal sans valeur. Un petit bout de paix et un restant d’Assise. C’est là que je me relèverai.

Il était une croix et moi, je serai enfin debout. Debout pour vivre, debout pour revenir, plus fidèle à ce que j’ai toujours voulu trouvé en moi. Fidèle à ce que m’a offert tous ces pas. Fidèle et fière, comme il se doit.

Par Anne-Sophie Poisson

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